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01 juin 2023

4. Un progrès social au XIXe siècle. L'hospice Saint-Brice

Quatrième volet d'une série de 5 articles consacrés à l'histoire du quartier Saint-Brice, aux découvertes archéologiques qui y ont été faites, à son patrimoine et à son futur pôle archéologique.

 

Au XIXe siècle l’église Saint-Brice, autrefois de Saint-Martin-au-Val, devient la chapelle de l’hospice Saint-Brice et l’ancien monastère un refuge pour les déshérités de la vie.

 

La création d’un hospice pour les démunis

À la fin de l’Ancien Régime, il existe à Chartres plusieurs structures d’assistance destinées aux pauvres, aux orphelins et aux personnes âgées. Dès 1785, on envisage de transférer ces structures dans le couvent des Capucins du quartier Saint-Brice, mais ces derniers s’y opposent. Suite à la Révolution, leurs biens sont confisqués. Le couvent est alors cédé à la municipalité en 1790 et acheté par le Bureau des Pauvres. L’année suivante, les vieillards et les orphelins y sont accueillis. L’ancienne abbaye est agrandie en 1801 et prend le nom d’Hospice Saint-Brice en 1831. Le personnel est constitué d’un aumônier et des sœurs hospitalières de Saint-Paul. En 1839, l’Hôpital des aveugles est à son tour installé dans un de ses bâtiments (Fig. 1).

 

De généreux donateurs

C’est la charité des plus riches qui assure le fonctionnement de l’hospice. Des legs importants permettent à l’institution de se développer et de s’agrandir. A sa mort, en 1852, Ferdinand de Reverdy (1796-1852) fait de l’hospice Saint-Brice, qu’il avait eu l’occasion de visiter et dont il vantait l’ordre, la propreté et le bien-être, son légataire universel. Son leg comprend une forte somme d’argent destinée à entretenir l’Hospice, restaurer l’église (voir précédent article) et à créer 12 lits (6 pour hommes et 6 pour femmes). Son tombeau, constitué d’une colonne de granite encadrée par quatre bornes reliées par des chaînes est visible dans le petit cimetière implanté au chevet de l’église Saint-Brice. En hommage à ces généreux donateurs, les rues du quartier ont souvent été baptisées de leur nom (Fig. 2).

Fig. 2 : Une des deux plaques dédiées à la mémoire des bienfaiteurs de l’hospice Saint-Brice, encore visible rue Saint-Martin-au-Val

Un quotidien très encadré

La vie quotidienne est rythmée par des horaires très stricts calqués sur les célébrations religieuses. Les soeurs, placées sous la houlette d’une sœur supérieure, assument les tâches quotidiennes d’entretien des lieux et des objets, de soins aux malades et d’enseignement aux enfants. Elles délivrent également un apprentissage des tâches ménagères aux filles. Ainsi en 1853, une soeur de la lingerie apprend aux orphelines à travailler (confection de linge, savonnage, repassage). L’alimentation tient une place primordiale dans le quotidien des pensionnaires. Les soeurs gèrent le régime alimentaire et s’occupent d’un grand potager qui se prolonge jusqu’au bord de l’Eure (Fig. 3 et 4). Des vestiges de murs anciens, sans doute gallo-romains, sont régulièrement retrouvés dans le jardin de l’Hospice. En 1890, c’est même un « conduit souterrain » qui est mis au jour. L’approvisionnement en viande pour les jours gras (4 par semaine) se fait à l’abattoir installé à proximité depuis 1838 (voir prochain article). Néanmoins en 1912, le docteur Bourgeois souligne la faible variété des menus et remarque que « le haricot y est despotique et la lentille souveraine ».

Fig. 3 : Le potager de l’hospice

Fig. 4 : La distribution de pain

 

Les tours d'abandon

Les enfants exposés, c’est-à-dire abandonnés, étaient autrefois recueillis par l’Hôtel-Dieu. Désormais ils sont de la responsabilité de l’hospice. Ils sont déposés dans une multitude d’endroits de la ville. À partir des années 1800 les « tours d’abandon » ou « tour d’exposition » se multiplient en France. Il s’agit d’un dispositif permettant d’abandonner des enfants dans l’anonymat et en sécurité. Il fonctionne comme un tourniquet qui actionne une cloche lorsqu’il est utilisé. Il est généralement aménagé dans les façades des hospices. À Chartres, un tour est attesté au XIXe siècle d’abord à l’Hôtel-Dieu (de 1811 à 1818), avant d’être transféré en l’abbaye royale de Josaphat à Lèves (de 1818 à 1829), pour être ensuite rétabli à l’Hôtel-Dieu. En 1844, l’Hospice Saint-Brice devient le seul dépôt des enfants trouvés du département. Son tour est aménagé dans le mur de clôture qui longe la rue Saint-Martin-au-Val et donne dans la cour pour les garçons assistés. Il n’en reste aujourd’hui que l’encadrement en brique. Le tour d’abandon de Chartres figure dans la liste des 25 encore existants en France en 1860, avant d’être définitivement supprimé en novembre 1861.

 

Des pavillons en avance sur leur temps

Entre 1890 et 1895 quatre nouveaux pavillons sont construits permettant l’accueil de 150 lits supplémentaires. Leur architecture novatrice et leur organisation pratique avec des espaces dédiés en font des modèles du genre pour l’époque (Fig. 5). Ils sont tous les quatre identiques et destinés à accueillir les vieillards et incurables des deux sexes à part égale. Ces pavillons édifiés grâce à des legs de donateurs sont, en leur hommage, désignés par leurs noms, l’un d’eux est par exemple baptisé « Pavillon Reverdy ».

Fig. 5 : Un des quatre pavillons construits à la fin du XIXe siècle