Daniel Guérin, directeur général délégué de l'Inrap, Jean-Pierre Gorges, président de Chartres métropole, Dominique Garcia, président de l'Inrap, et Rémi Martial, vice-président de Chartres métropole délégué à l'aménagement du territoire et aux politiques contractuelles.
Le 6 avril dernier, le président de Chartres métropole a signé avec Dominique Garcia, président de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) une convention de partenariat opérationnel, scientifique et culturel. Cette convention formalise une collaboration déjà effective depuis plusieurs années, qui vise à renforcer les liens entre les deux acteurs publics, au profit de la connaissance archéologique de notre territoire. Interview.
Dominique Garcia, archéologue et historien, est président de l'Inrap, professeur à l’université d’Aix-Marseille et membre de l'Institut Universitaire de France.
Votre Agglo : Quelles sont les principales missions de l’Inrap ?
Dominique Garcia : L’Inrap est mandaté et financé par l’État pour assurer la détection et la sauvegarde par l’étude du patrimoine archéologique en amont des travaux d’aménagement du territoire. Il exploite les résultats scientifiques des fouilles archéologiques et les diffuse auprès des chercheurs et des citoyens. Comme les services territoriaux, il a la prérogative d’effectuer des diagnostics archéologiques, alors que les fouilles, elles, sont ouvertes à la concurrence entre l'Inrap, les services territoriaux et les opérateurs privés.
VA : En quoi l’archéologie est-elle nécessaire pour le développement du territoire ?
DG : En France, la loi relative à l’archéologie préventive adoptée en 2001 réitère le cadre fixé par la Convention de Malte d’ « intégrer les préoccupations de sauvegarde archéologique dans les politiques d'aménagement urbain et rural ». Cette loi a été le moyen de stopper les destructions de vestiges, sans études préalables, qui se sont multipliées en France dans le contexte de forte croissance des aménagements qui a suivi l’après-guerre. Aux termes de la loi, l’archéologie permet le développement du territoire puisque, techniquement, si un projet d’aménagement motive une prescription de diagnostic, puis éventuellement de fouille, par un service régional de l’Archéologie, le terrain doit être préalablement fouillé et étudié par les archéologues avant d’être « libéré » et confié à l’aménageur. L’archéologie permet les aménagements tout en satisfaisant aux exigences de la protection du patrimoine archéologique.
LA DIRECTION DE L’ARCHÉOLOGIE DE CHARTRES MÉTROPOLE, DOTÉE D’UNE QUARANTAINE DE COLLABORATEURS PERMANENTS, EST ACTUELLEMENT LE DEUXIÈME SERVICE ARCHÉOLOGIQUE TERRITORIAL DE FRANCE, PLAÇANT CHARTRES ET SON AGGLOMÉRATION À LA POINTE DES COLLECTIVITÉS QUI INVESTISSENT POUR LA CONNAISSANCE HISTORIQUE DE LEUR TERRITOIRE.
VA : Comment s’articulent les partenariats entre l’établissement public, qui intervient à l’échelle nationale, et les services archéologiques qui dépendent de collectivités territoriales ?
DG : Les services archéologiques territoriaux, comme celui de Chartres métropole, sont dotés de nombreuses expertises et réalisent un volume important d’opérations d’archéologie préventive sur tout le territoire national. Il n’y a aucune raison d’entrer en concurrence avec eux, mais ils peuvent avoir besoin, par exemple sur un chantier d’ampleur, d’un supplément de compétences scientifiques et techniques, ou bien de spécialistes d’une période pour laquelle le service territorial ne sera pas conventionné, supplément que nous sommes en mesure de lui apporter car nous sommes présents sur tout le territoire. Mais prenons l’exemple de la direction de l’Archéologie de Chartres métropole. Elle a été créée en 2003 avec un territoire d’investigation qui était au départ limité à la ville de Chartres. Ce n’est qu’en 2018 que ce périmètre a été étendu aux 66 communes de l’agglomération. Il est intéressant pour ce service archéologique de pouvoir accéder aux données spatiales collectées par l’Inrap à l’occasion de fouilles communes récentes ou antérieures à cette extension de la ville à l’agglomération. Cela va faciliter l’accompagnement des projets d’aménagement futurs et augmenter la connaissance de ce patrimoine archéologique qui est extrêmement riche.
Cela vaut également pour le domaine culturel, comme on l’a vu avec l’exposition Ô Moyen Âge ! les Mérovingiens en Pays Chartrain, qui a montré à quel point nos apports multiples se complétaient pour mettre en valeur le passé de Chartres et de toute son agglomération à l’époque mérovingienne. C’est le territoire qui est gagnant. La visée de ces partenariats avec les services territoriaux est de les faire vivre et de rendre possible cette « grande » archéologie du territoire. Nous sommes évidemment désireux de nous rapprocher de ces services territoriaux qui sont des services publics entièrement dédiés à leurs collectivités et qui présentent les mêmes garanties de contrôle scientifique et technique que nous. Notre but est le même : protéger et valoriser notre patrimoine.
VA : Une découverte archéologique locale récente qui vous a marqué ?
DG : Réalisées en collaboration entre l’Inrap et la direction de l’Archéologie de Chartres métropole, les fouilles préventives des lieux-dits l’Enclos et La Couture, à Mainvilliers, font partie d’un projet d’aménagement d’environ 200 ha aux portes de Chartres. Cette opération a été l’occasion de mettre au jour un rare chenet en fer de la fin de l’époque gauloise. Seulement une dizaine d’exemplaires de ces objets sont actuellement connus et on les retrouve en général dans des tombes d’aristocrates où ils participent à la mise en scène de la sépulture du défunt.
À Mainvilliers, le contexte de découverte est différent : le chenet a été retrouvé isolé, placé au fond d’une très grande fosse de près de vingt mètres de long et deux mètres de profondeur. La fosse avait été creusée en dehors du fossé qui venait ceinturer un grand bâtiment d’habitation détruit et brûlé. Ce geste très particulier correspond certainement à un rituel dont nous ne pouvons, pour l’heure, qu’effleurer les contours indistincts. Fouillé sur la direction de Franck Verneau (Inrap) (cf. :http://journals.openedition.org/adlfi/50866) le chenet est actuellement en stabilisation-conservation dans le laboratoire du service de l'agglomération avant, sans doute, une présentation au public : une collaboration étroite entre archéologues de l’Institut et de l’agglomération tout au long de la chaîne archéologique.
Article paru dans le magazine Votre Agglo n°111, de mai 2022