Il en est ainsi pour certaines espèces animales : on pense qu’elles ont toujours été là, parmi les femmes et les hommes de nos campagnes, si bien qu’il est même impossible de penser qu’elles pourraient venir d’ailleurs.
Ceci est particulièrement vrai pour la Poule ou le Coq, figures emblématiques du monde rural, érigés en symbole révolutionnaire dès 1789 et devenus depuis une dizaine d’année un véritable phénomène de mode auprès des citadins, qui se prêtent à leur élevage.
En effet, que de chemin parcouru par ce gallinacé originaire d’Asie du sud-est et domestiqué depuis plus de 9 000 ans (VII-VIe millénaire av J.-C.).
C’est à cette histoire que se sont intéressés les chercheurs qui étudient les restes animaux issus des fouilles archéologiques conduites dans la région, dont les travaux ont donné lieu à la parution d’un récent article scientifique (voir ci-dessous). L'oie, le canard, le pigeon ou encore le paon accompagnent notre poule, au sein d'une histoire culturelle fondée sur l'étude de vestiges archéologiques trop souvent minorés.
La poule en Gaule
En Gaule, la poule fait ses premières et timides apparitions sur des sites archéologiques localisés en Normandie, en Rhône-Alpes et dans le Jura entre le VIe et le Ve siècle av. J.-C. ce qui a de quoi étonner car on s’attendrait à les découvrir dans des villes côtières fondées par les grecs ou les phéniciens. En Centre-Val de Loire, les premiers individus suivent sans doute les hommes et les marchandises en empruntant les axes de communication aturels que sont les grands fleuves et leurs affluents.
Animal nouveau et donc exotique pour l’époque, c’est sans grand étonnement que les premiers ossements découverts dans notre région l’ont été sur la résidence princière de Bourges vers 530-450 av. J.-C. Assez rapidement, des ossements apparaissent aussi dans des habitats ruraux plus ordinaires, qui témoignent de l’adoption rapide de cette espèce par les populations locales.
Ce n’est qu’à partir de l’époque antique, que l’élevage de la poule prend un réel essor, autant pour sa consommation que pour accompagner les femmes et les hommes dans leurs actes de dévotion quotidiens, notamment sous la forme d’offrandes adressées aux dieux. Chartres a livré de beaux exemples relatifs à ces pratiques, que ce soit dans les nécropoles du cinéma et de Saint-Barthélemy ou sur le sanctuaire de Saint Martin-au-Val.
Exemple d’offrande alimentaire (ici un poulet et une côte de boeuf) déposée au creux de petites niches aménagées dans les tombes de la nécropole de Saint-Barthélémy (Chartres, V e siècle ap J.-C., cliché D. Joly).
Vers une diversification de la basse-cour au Moyen Âge
À partir du Moyen-Âge, l’histoire de la volaille et des pratiques alimentaires suit l’évolution d’une société toujours plus hiérarchisée. À la table des paysans, s’oppose celle des seigneurs. À la basse-cour des petites fermes s’oppose la basse-cour seigneuriale ou des monastères, composée aussi d’oiseaux d’ornements, comme le paon.
Alors que certaines espèces deviennent des objets de luxe et constituent un réel marqueur d’affichage social, d’autres, comme la poule, constituent le socle incontournable et vital d’une économie vivrière paysanne. Mais quel que soit le milieu social, la découverte d’accumulation de carcasses de poules ou de coqs rejetés dans des puits ou des fosses, tend à prouver l’existence de maladies animales (épizooties* ou affections diverses), qui pouvaient terrasser un poulailler dans son entier.
Un des apports majeurs de cette étude, qui aborde aussi la question de la variation de la morphologie des gallinacés à travers le temps, permet de préciser comment l’homme a modelé l’espèce en fonction de ses goûts et de ses impératifs économiques, pour aboutir à la création des races régionales actuelles.
* Épizootie : maladie qui frappe les animaux. Elle devient zoonose, lorsqu’elle passe la frontière des espèces et touche également l’Homme. Comme cela est supposé pour la covid !
Les références de l’article :
C. Duval, G. Bayle, S. Braguier, O. Cotté, A. Fontaine, C. Genies, F. Poupon, J. Rivière, M. Salin et M.-P. Horard-Herbin, « La volaille en région Centre-Val de Loire du Néolithique à nos jours. Approche archéozoologique », Revue archéologique du Centre de la France, Tome 60, 2021. URL : journals.openedition.org/racf/5048