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2025 : Bois sacrés. Une histoire des origines de Chartres

Le sanctuaire gallo-romain de Saint-Martin-au-Val est fouillé depuis 2013 par les équipes de C’Chartres Archéologie, plus particulièrement sa partie nord-est, une zone importante car ayant livré les restes d’un temple dédié à Apollon. En juillet 2016, l’équipe de C’Chartres Archéologie découvre des vestiges d’un bâtiment de plus de 600 m², doté de trois bassins. Les années suivantes, près de 2300 pièces de bois seront méthodiquement fouillées et prélevées. Il s’agit d’une découverte rarissime, le bois se conservant très mal au fil des siècles. Ces nombreuses pièces appartenaient à un plafond suspendu à caissons richement sculpté et orné.
Cette exposition présente, pour la première fois, les éléments les plus remarquables et livre quelques clés de compréhension de cet ensemble unique en France.
C’Chartres archéologie et le sanctuaire de Saint-Martin-au-Val
Autricum (Chartres antique) était dotée d'un des plus grands complexes cultuels de la Gaule romaine connus à ce jour. Ce dernier, dit de Saint-Martin-au-Val, occupe une superficie de près de 11 hectares. Il est implanté à moins d'un kilomètre au sud du centre administratif et politique de l'époque antique (le forum), dans le quartier Saint-Brice. Ses vastes dimensions en font un sanctuaire civique, c’est-à-dire qu’il ne servait pas uniquement pour les habitants d’Autricum, mais pour l’ensemble du peuple carnute.
Fouillé depuis près de 15 ans par les équipes de C’Chartres Archéologie, ce sanctuaire s’est révélé petit à petit. Il est constitué d’un grand temple à quatre galeries couvertes enserrant une aire sacrée de 6 ha. En aval, un ensemble de constructions associé à une galerie de circulation prolonge ce complexe cultuel vers la vallée de l'Eure. L’édifice au nord a été fouillé à partir de 2011. Il s’agit d’un bâtiment de culte secondaire, comme on en trouve parfois dans les grands ensembles religieux antiques. De plan carré, sa façade tournée vers la rivière est ponctuée de huit colonnes. Son sol était pavé de calcaire et ses murs ornés de plaquages de roches colorées. Un podium occupait le fond de la pièce et devait accueillir la statue d'un dieu ou un petit autel. Deux inscriptions et des fragments de statues abandonnés à proximité de la façade attestent qu’Apollon et peut-être aussi sa sœur jumelle, Diane, étaient honorés dans ces lieux.
Un second édifice, en contrebas du temple d’Apollon et à proximité de l’Eure, a été mis au jour à partir de 2016. Il comporte 3 bassins : on parle alors de nymphée, un lieu de culte dédié aux nymphes, divinités de l’eau et de la nature. Construit vers 137-139 ap. J.-C., il est richement décoré de placages de marbre et de peintures murales. De même, ses bassins nord et sud ajoutent à l’apparat du lieu en mettant en valeur le bassin central, utilisé probablement pour les ablutions rituelles avant l’accès au temple d’Apollon.
Ce nymphée, de taille modeste mais à la décoration soignée imposante, a surtout livré près de 2300 pièces de bois exceptionnellement préservées, dont beaucoup d’entre elles provenaient du plafond suspendu à caissons décorés qui couvrait l’édifice.
Le bois est un matériau qui ne résiste pas aux aléas du temps et il est extrêmement rare dans des contextes archéologiques aussi anciens. Ici, c’est l’alliance du feu et de l’eau qui est à l’origine de la préservation du plafond sculpté : le feu, car les pièces ont été partiellement calcinées par un incendie survenu au IIIe ou IVe siècle ; l’eau, car la remontée de la nappe phréatique a fini de sceller les bois dans un milieu humide, sans air et sans lumière, trois paramètres idéaux à sa conservation.
À la redécouverte des savoir-faire antiques
La découverte d’un plafond antique, sculpté et peint, est encore plus rare. Cet ouvrage témoigne d’une maîtrise exceptionnelle et très avancée du travail du bois, notamment par des techniques de charpente-menuiserie aujourd’hui disparues. La seule découverte similaire provient de la domus (ou maison) de Telephus à Herculanum, une cité près de Pompéi et enfouie suite à l’éruption du Vésuve.
Grâce à un patient travail de plusieurs années, les archéologues, dendrochronologues (spécialistes des arbres anciens) et conservateurs-restaurateurs ont préservé, inventorié et étudié les quelques 2300 pièces de chêne, de tilleul et de sapin mis en œuvre dans le plafond du nymphée. On sait désormais qu’il couvrait tout le bâtiment et, à la manière d’un faux-plafond, était suspendu pour masquer la charpente, en déployant un registre sophistiqué de décors géométriques (hexagones, losanges) et ornementaux (rais-de-cœur, oves, tresses, etc.).
L’exposition éclaire les choix techniques et esthétiques des charpentiers-menuisiers gallo-romains, en donnant les toutes dernières pistes de compréhension de cet ensemble inédit. En effet, la découverte de poutres formant l’ossature du plafond a permis de restituer une trame sophistiquée, où s’imbriquent des losanges et des hexagones. Le tout était maintenu grâce à de longues baguettes de chêne, fixé dans la charpente et retenant les poutres de trame. Du dessous, on ne pouvait percevoir que le décor géométrique, en relief, puisqu’alternant des caissons en hexagone à trois degrés et des caissons en losange à deux degrés. Ces assemblages ingénieux seront mis à portée du visiteur, qui pourra manipuler des fac-similés pour mieux comprendre les techniques de taille et d’assemblage des éléments entre eux.
En plus de ces assemblages, les caissons étaient ornés des planchettes sculptées de motifs ornementaux, clouées sur les poutres et les planches de fond. Le tout formait une composition luxuriante, sans espace vide, qui devait être rehaussé par des couleurs dont on ne conserve malheureusement plus la trace. Partout ailleurs dans le bâtiment, les riches peintures murales polychromes et les marbres, parfois précieux, couvrant les plinthes et les bassins ajoutaient à la somptuosité du décor.
En fin d’exposition, le visiteur pourra justement plonger dans l’ambiance du nymphée, il y a 18 siècles, grâce à un espace de restitution. Basé sur les hypothèses architecturales et archéologiques les plus récentes, cet espace déploiera en trompe-l’œil les sols, bassins, murs décorés et, surtout, plafond à caissons, dans une atmosphère sonore et lumineuse qui garantira une expérience unique.